Perspectives de croissance pour le Portugal et la division nord-sud dans l’ue14 : une analyse a seuils selon le changement structurel

Marta C. N. SIMÕES
Université de Coïmbra, mcsimoes@fe.uc.pt

Adelaide P. S. DUARTE
Université de Coïmbra, maduarte@fe.uc.pt

João A. S. ANDRADE
Université de Coïmbra, jasa@fe.uc.pt

Après la crise politique et la crise économique des années 70, le Portugal a connu quelques années de croissance économique rapide (et supérieure à la moyenne), accompagnant la préparation et l’adhésion à l’Union européenne et la participation en tant que membre fondateur de la zone euro. Ce processus a toutefois cessé depuis le début du 21ème siècle et ce changement du rythme de croissance a été exacerbé par la Grande Récession ((Simões, Andrade, & Duarte, 2014); (Andrade, Duarte, & Simões, 2014)). À partir de 1999-2000 environ, la croissance économique a sensiblement ralenti, le secteur des biens non échangeables a renforcé son rôle de point d’ancrage de l’économie et de la croissance et la productivité a stagné, voire diminué. Bien que la plupart des États membres de l’UE soient entrés dans une période de crise économique et de difficultés financières après 2007-2008, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Portugal et l’Espagne, principalement des pays du sud de l’Europe ont vécu une crise d’une ampleur majeure. Toutefois, à la veille des événements antérieurs, les membres de l’UEM affichaient déjà des différences notables en termes d’indicateurs économiques et financiers. Ces pays du sud ont également souffert de plusieurs déséquilibres macroéconomiques à moyen et long terme. Cette fracture entre les pays du nord et du sud de l’Europe a des conséquences potentiellement importantes en termes de performance macroéconomique à long terme notamment pour le Portugal.

L’un des principaux arguments théoriques à l’appui de l’impact négatif du secteur des biens non échangeables en expansion sur la croissance est que le secteur manufacturier, qui produit des biens échangeables, est le moteur de la croissance. C’est où le progrès technologique et les économies d’échelle ont lieu, lesquels sont à la base de l’amélioration de la productivité et donc d’une croissance plus rapide. Par ailleurs, les biens non échangeables sont principalement associés aux services, considérés comme des secteurs technologiques stagnants et à faible potentiel d’amélioration de la productivité, (Baumol, 1967). Alexandre & Bação, (2013) examinent l’évolution du secteur des biens non échangeables dans l’économie portugaise depuis le milieu des années 1950 et concluent que, la tendance à la dominance des services était similaire à celle des autres pays de l’UE, cependant le changement au Portugal a été plus rapide et a eu lieu au détriment de l’industrie sur la période 1995-2009. Selon l’(OECD, 2014), l’économie portugaise a été confrontée à un problème structurel de faible concurrence sur les marchés de produits, et en particulier dans les secteurs non échangeables, ce qui a un impact négatif sur la productivité multifactorielle. De plus, l’OCDE (2014), p.6, mentionne que «(…) Les exportateurs portugais continuent d’être désavantagés par rapport à leurs concurrents internationaux dans un certain nombre de dimensions, notamment en ce qui concerne l’accès aux inputs provenant des secteurs non échangeables (…)», ce qui renforce nos préoccupations concernant les impact négatif sur la croissance du secteur des biens non échangeables soumis à une croissance rapide et éprouvant une position dominante. Le FMI dans le rapport 2015 sur le Portugal fait remarquer que ce secteur offre des possibilités de rent-seeking contribuant de ce fait à une affectation défaillante des ressources.

Afin de mieux comprend le processus de croissance du Portugal dans l’UE et la division Nord-Sud qui la caractérise, dans ce papier nous appliquons un modèle à seuils pour estimer une régression de la croissance pour un échantillon de quatorze États membres de l’UE sur la période 1980-2011. Notre objectif est d’identifier les déterminants de la croissance pertinents pour le Portugal, en tant que membre de l’UE, en supposant que le signe et l’ampleur des déterminants pertinents de croissance varieront avec l’importance économique du secteur des biens non échangeables. À cette fin, nous appliquons une méthodologie d’estimation  qui  permet  de  capturer  les  non-linéarités  dans  les  relations de croissance : le modèle à seuils de (Hansen, 1999). Cela semble être une approche appropriée compte tenu de la croissance rapide du secteur des biens non échangeables au Portugal et de son impact potentiellement négatif sur la croissance dû à la baisse de la productivité, aggravant dans cette façon la division Nord-Sud dans l’UE. Notre modèle de croissance inclut les facteurs de croissance et de convergence mis en évidence par les prédictions théoriques et les confirmations empiriques obtenues par la littérature sur la croissance économique au cours des dernières décennies ((Doppelhofer, Miller, & Sala-i- Martin, 2004); (Moral-Benito, 2012); (Moral-Benito, 2015); (Durlauf, Johnson, & Temple, 2005), et (Sala-i-Martin, 1997)).

Nous examinons d’abord des différences entre les pays du Nord et du Sud de notre échantillon ainsi que le récent processus de croissance et de convergence de l’économie portugaise, axé sur la période 1980-2011, en le comparant à l’économie moyenne de l’UE14 64  et en tenant compte la division entre les pays du Nord et du Sud de notre échantillon.

Ensuite, nous appliquons la méthodologie du modèle à seuils de Hansen pour estimer un modèle de croissance empirique pour l’échantillon de l’UE14. Par la suite nous identifions les régimes pour le Portugal et nous esquissons un certain nombre implications pour une meilleure compréhension du processus de croissance et de convergence portugais tout en soulignant le rôle éventuel de la domination croissante de l’économie par le secteur des biens non échangeables.